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56 – Au loup

Enbarr broute de-ci de-là. À la périphérie de son regard, Anthéa voit Roland se lever, s’étirer nonchalamment, se frotter le postérieur, probablement endolori par leur chevauchée. Il prend l’oo’lu en main, le loup tourne la tête vers lui. Enbarr est proche d’Anthéa maintenant. Il se rue vers elle et d’un coup de sabot fracasse le crâne du loup.
Anthéa est atterrée, elle regarde Enbarr. Pourquoi ? Son regard se tourne vers Roland qui lui sourit, son index est pointé sur l’emplacement où se tenait Blue ; elle n’ose regarder le corps du loup, mais le regard de Roland est impératif : elle doit regarder ! Sa peine est immense, doucement avec crainte elle dirige son regard vers le co… ? Mais il n’y a pas de corps ! Juste de la cendre, un tas de cendre.
Roland s’assied face à elle, il prend les mains d’Anthéa dans les siennes. Enbarr frôle la joue d’Anthéa, de ses nasaux, puis reste près d’elle la tête au-dessus de son épaule.
— Anthéa… Anthéa ce n’était pas le loup.
Les paroles de Roland percent l’état d’hébétude dans lequel le meurtre de son loup, par son cheval, avec la complicité de son protecteur, l’a plongée. Elle analyse lentement les mots, ce n’était PAS… PAS le LOUP ? Elle regarde à nouveau ses genoux, pas de loup ! Juste de la cendre.
— C’est de notre faute, nous n’aurions jamais dû le laisser s’approcher si près de toi, nous avons manqué de vigilance.
Enbarr s’ébroue légèrement en signe d’approbation.
— Un loup solitaire qui s’aventure dans une grande plaine, transformée en casernement avec miradors, sentinelles, très nombreux soldats, multiples tentes, des feux un peu partout ? Impossible ! Contre nature ! Cela a attiré mon attention dès que je l’ai vu, Enbarr aussi, de plus il n’avait pas une odeur de loup, c’est pourquoi les licornes, les dragons, nos chevaux et même les mules n’ont pas bronché à son passage. Un loup aurait déclenché une belle pagaille dès son entrée dans la plaine.
— Enbarr a probablement su avant moi qu’il s’agissait d’une menace, il ne l’aurait pas laissé te sauter à la gorge. Mais il semble qu’il voulait t’inciter à le suivre dans les bois. Qu’était-il ou qui était-il ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais il n’est pas mort, le simulacre de loup est détruit, mais celui qui l’animait est parti.
***
Milory Camighan se matérialise dans la clairière, le Professeur Siegfried A. Usher assis devant le feu lui lance un regard mi-interrogateur mi-sarcastique.
— D’accord, je ne l’ai pas ramenée, et donc nous ne pourrons pas l’échanger contre votre cible, mais je les ai localisés, et ça ne va pas être de la tarte pour les récupérer, ils sont au milieu d’une armée d’elfes, et quand je dis une armée ce n’est pas une image pour décrire une multitude, mais des soldats et officiers armés jusqu’aux dents, avec licornes et dragons.
— Quel qu’en soient les raisons, le pacte est nul, tu n’as ramené ni ma cible ni otage pour négocier, donc je ne te dois rien.
— Tut tut tut, vous avez signé, il n’a jamais été question d’une clause de délai que je sache. Vous êtes engagé, quand je remplirai ma part du marché, et ce à quelque moment que ce soit et ce même si vous n’êtes plus intéressé à ce moment-là, votre âme sera à moi ou à quiconque il me sera agréable de la vendre ou donner, répond Milory avec un grand sourire.
Embusqué à cinquante coudées de la clairière – c’est sa distance de confort – Blue observe les deux “qui marchent debout”, c’est étrange, il perçoit parfaitement les pensées de celui qui n’a pas bougé – Masqué –, froideur, il ne pense qu’à exécuter sa tâche ; et tout fond, bien masquée, une légère angoisse liée à la nature de son compagnon. Mais Blue ne perçoit absolument rien venant de celui qui disparaît et réapparaît – Soufre –, pourtant il n’est pas comme Charogne. Certains “qui marchent debout” ne pensent pas ? Ils sont comme les proies ? Sont-ils des proies ? Non, Charogne n’est pas comestible, j’en suis certain et Soufre pue comme les fumerolles d’un volcan ! Peut-être, ceux “qui marchent debout” qui ne pensent pas ne sont-ils pas comestibles.
Blue éprouve le désir de voir Lumineuse, il se lève et se dirige en trottant vers la grande plaine, arrivé à une demi-lieue de la grande plaine, l’air est saturé d’odeurs et de bruits dus à l’armée qui campe là-bas. Blue recule de quelques pas pour échapper à la pestilence, il s’assied et hurle à l’intention de Lumineuse, Ouuuh, Aouuuuh...
***
Anthéa a encore beaucoup de mal à se remettre de la mort du faux Blue, quand Elle regarde Roland indécise.
— Va, Anthéa, de toute façon rien ne te retiendra. Mais à partir de maintenant Enbarr ne s’éloignera pas de plus d’une toise de toi, il est l’ultime rempart, il te protégera de son corps, comme nul ne peut le tuer, ni hommes ni dieux – ce qui inclut tout ce qui est vivant et tout ce qui est mort et/ou immatériel –, tu es parfaitement en sécurité avec lui.
— Néanmoins, pour aller en forêt demande à Adèle de vous accompagner. Et surtout n’oublie pas avec ta voix, qui est une voix de persuasion et non une voix de commandement ce qui beaucoup plus rare et efficace, personne ne peut te résister, pas même ceux qui le croient comme le gwath, mais cela doit rester secret entre toi et moi laisse les autres croire que tu as une voix de commandement. Alors, quand tu rencontreras le loup demande-lui qui il est.
Anthéa, Enbarr et Adèle quittèrent le camp, et trois quarts d’heure plus tard Anthéa retrouva Blue qui l’attendait tranquillement assis.
Elle veut se précipiter vers lui, mais Adèle la retient par l’épaule conformément aux consignes que Roland lui avait transmises. Blue ne l’a pas quittée des yeux il se lève et avance prudemment vers Anthéa. Il s’arrête à moins de deux coudées, Enbarr ne l’a pas quitté de l’œil, Anthéa dit alors.
— Qui es-tu ?
Il regarde Anthéa fixement et incline la tête. Blue !
Soulagée, Anthéa répète Blue, elle s’assied, Blue s’avance et vient frotter son museau sur la joue d’Anthéa. Elle reste ainsi, inondée de bonheur sans réaction pendant quelques instants. Puis soudain, elle se souvient que s’ils ont de terribles ennemis prêts aux pires stratagèmes. Ils ont réellement d’autres alliés…

***
Auteur de ce chapitre : scifan.

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