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57 – Dans le camp

Anthéa est sortie de la tente, mais reste visible par l’ouverture. Sue et Anfauglith discutent à bâtons rompus pendant que Tim et Adèle finissent de manger. Aran, Roland et Ainu se sont assis sur des fauteuils et parlent à voix basse. Le regard d’Aran s’attarde sur la jeune fille qui s’est assise contre un arbre, au milieu de l’agitation du camp. Le loup aux yeux bleus se rapproche d’elle. Roland se lève et prend son oo’lu, Anfauglith et Aran se regardent.
— Anfauglith… Tu sens…
— Le loup…
L’ombre a fait deux pas vers la porte. À ce moment, Enbarr s’approche d’Anthéa, se cabre et broie le crâne de l’animal qui s’écroule. Le prince et le gwath se précipitent vers le petit tas de cendre, ce qui reste du loup, pendant que Roland rassure Anthéa. On entend hurler un loup. Anthéa après un dernier échange se dirige vers la forêt en bordure de camp.
— Un démon…
Aran regarde autour de lui.
— Préviens immédiatement les gwaths et les mages !
Roland s’approche d’eux. Aran a l’air inquiet. Le prince montre la cendre qu’il émiette dans sa main.
— C’est un démon. Un puissant. Anfauglith ne l’a détecté qu’au dernier moment. Heureusement que votre cheval était là.
Anfauglith tend la main vers la fille qui s’éloigne en compagnie d’Enbarr et d’Adèle.
— Il semble en avoir après Anthéa. C’est un démon puissant.
Tim se rapproche, il semble hésiter un moment puis lance d’une traite :
— Pouvez-vous faire quelque chose pour se protéger ? Est-ce qu’il ne risque pas de revenir et de tuer tout le monde pour parvenir à ses fins ?
Aran a un sourire rapide.
— Quelque chose comme “plus personne ici, tout le monde là-bas” ? Non ! Cela n’est pas possible.
— Qu’est-ce qui l’en empêche ?
— Tout le monde a un maître même lui. Le rôle des maîtres est de préserver l’équilibre. Un tel massacre provoquerait un déséquilibre trop important. Les démons ont des occupations qui leur sont propres, et en règle générale ils ignorent superbement ce qui les entoure. Celui-ci a pénétré dans un camp où plusieurs milliers de soldats elfes sont rassemblés. Il veut Anthéa, c’est tout.
— Comment s’en défendre
— Ils utilisent des formes diverses, mais ne peuvent pas se transformer en quelque chose d’indestructible. Tout pouvoir a une limite, même les grands dragons ne peuvent pas cracher le feu en continu de façon indéfinie. On peut toujours détruire leurs enveloppes si on les détecte à temps. Mon ami, pendant la suite de votre voyage il faudra être sur vos gardes. Il essaiera à nouveau de prendre la petite, par la ruse, et sans elle, les portes de l’île resteront fermées. Pour cette nuit, les ombres empêcheront toute tentative par la force. L’armée partira demain matin, et nous serons en place au large de l’île dans quelques jours.
Pendant cette conversation, Ainu et Sue se sont rapprochées des dragons.
— Ils sont beaux. On peut les caresser.
Ainu rit :
— Leur peau est très robuste. Mais regarde.
Elle tend la main vers le jeune Sindaril, qui tend le cou vers elle sans se lever, et vient poser sa tête juste devant la princesse qui lui décoche plusieurs énormes claques.
— Ça les caresse… Vas-y, tape sur son cou… Mais attention, leur peau peut faire mal tellement elle est rugueuse.
Sue s’approche et tape plusieurs fois de toutes ses forces sur le cou du dragon. Elle s’entaille largement une main et éclate de rire. Le dragon pousse un petit souffle brûlant qui lui cuit un morceau de son autre main. Sue est aux anges.
— Allez, viens, on va visiter le camp
Sue suit Ainu. Ils traversent les tentes de la garde princière. Les elfes ont des armures intégrales en peau de dragon, et sont équipés de katanas et de lances.
— Ça fait beaucoup de cuir de dragon. Vous en tuez pour en avoir.
Ainu a l’air choquée.
— Tuer des dragons ?… Non… Ce sont des lézards, ils muent une fois par an. C’est leurs mues que l’on tanne pour faire nos armures. Elles sont très légères, et beaucoup plus solides que l’acier.
Elles continuent à travers le camp, où tous les corps d’armée sont représentés. La légion, bien sûr, et Sue voie deux manipules s’entraîner. Les deux formations avancent côte à côte, et à intervalles semblant totalement aléatoires, des murs de lances dont la pointe ressemble à une faux en sortent. L’espace entre les deux formations se transforme en mur de lames.
— C’est la déchiqueteuse, la formation de base de combat de la légion. Les lances s’appellent des naginata. Les manipules restent protégés sous leurs boucliers.
Sue a les yeux écarquillés. Ensuite, elles arrivent vers les neltas. Sue remarque que tous ont sur l’épaule droite un pompon de laine blanche, plus ou moins épais. Elle regarde Ainu qui a le même. La princesse devine la question qui va fuser.
— Ceci représente la force des neltas. Un nelta peut être de 60, 120, 180, ou 240 soldats. Tous les neltas ont la même valeur au combat. Moins un guerrier a de fil au pompon, plus il est puissant. 6 fils 12 fils, 18 fils, 24 fils. Un nelta de 60 représente la même puissance qu’un nelta de 240.
— Et comment vous mesurez la puissance ?
— En NOTH… Nombre d’Orcs Tués à l’Heure
Les filles continuent et croisent un groupe de nains.
— C’est quoi la différence entre la phalange des nains et les manipules des elfes ?
— Les nains combattent sur une seule longue ligne, avec de longues lances. Ça fait une sorte de gros porc-épic infranchissable.
— Du coup, ils sont vulnérables sur l’arrière.
— Il n’y a pas de troupe invulnérable. Dans un combat, les neltas sont là pour protéger l’arrière des phalanges et pour soutenir les manipules qui s’effondrent.
— Et les dragons ?
— Les dragons ont en charge la destruction de l’artillerie. Et il y a encore d’autres troupes spécialisées qui ne sont pas dans ce camp. Une bataille bien menée implique l’utilisation de toutes ces troupes à leur juste place et au bon moment.
— Ça a l’air beau… j’aimerai bien voir l’armée en action
— Si on parvient à passer le portail et à libérer l’île, ça pourrait bien arriver.
Quand elles reviennent vers la tente du prince, le soir s’avance.

***
Auteur de ce chapitre : Sangdragon.

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56 – Au loup

Enbarr broute de-ci de-là. À la périphérie de son regard, Anthéa voit Roland se lever, s’étirer nonchalamment, se frotter le postérieur, probablement endolori par leur chevauchée. Il prend l’oo’lu en main, le loup tourne la tête vers lui. Enbarr est proche d’Anthéa maintenant. Il se rue vers elle et d’un coup de sabot fracasse le crâne du loup.
Anthéa est atterrée, elle regarde Enbarr. Pourquoi ? Son regard se tourne vers Roland qui lui sourit, son index est pointé sur l’emplacement où se tenait Blue ; elle n’ose regarder le corps du loup, mais le regard de Roland est impératif : elle doit regarder ! Sa peine est immense, doucement avec crainte elle dirige son regard vers le co… ? Mais il n’y a pas de corps ! Juste de la cendre, un tas de cendre.
Roland s’assied face à elle, il prend les mains d’Anthéa dans les siennes. Enbarr frôle la joue d’Anthéa, de ses nasaux, puis reste près d’elle la tête au-dessus de son épaule.
— Anthéa… Anthéa ce n’était pas le loup.
Les paroles de Roland percent l’état d’hébétude dans lequel le meurtre de son loup, par son cheval, avec la complicité de son protecteur, l’a plongée. Elle analyse lentement les mots, ce n’était PAS… PAS le LOUP ? Elle regarde à nouveau ses genoux, pas de loup ! Juste de la cendre.
— C’est de notre faute, nous n’aurions jamais dû le laisser s’approcher si près de toi, nous avons manqué de vigilance.
Enbarr s’ébroue légèrement en signe d’approbation.
— Un loup solitaire qui s’aventure dans une grande plaine, transformée en casernement avec miradors, sentinelles, très nombreux soldats, multiples tentes, des feux un peu partout ? Impossible ! Contre nature ! Cela a attiré mon attention dès que je l’ai vu, Enbarr aussi, de plus il n’avait pas une odeur de loup, c’est pourquoi les licornes, les dragons, nos chevaux et même les mules n’ont pas bronché à son passage. Un loup aurait déclenché une belle pagaille dès son entrée dans la plaine.
— Enbarr a probablement su avant moi qu’il s’agissait d’une menace, il ne l’aurait pas laissé te sauter à la gorge. Mais il semble qu’il voulait t’inciter à le suivre dans les bois. Qu’était-il ou qui était-il ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais il n’est pas mort, le simulacre de loup est détruit, mais celui qui l’animait est parti.
***
Milory Camighan se matérialise dans la clairière, le Professeur Siegfried A. Usher assis devant le feu lui lance un regard mi-interrogateur mi-sarcastique.
— D’accord, je ne l’ai pas ramenée, et donc nous ne pourrons pas l’échanger contre votre cible, mais je les ai localisés, et ça ne va pas être de la tarte pour les récupérer, ils sont au milieu d’une armée d’elfes, et quand je dis une armée ce n’est pas une image pour décrire une multitude, mais des soldats et officiers armés jusqu’aux dents, avec licornes et dragons.
— Quel qu’en soient les raisons, le pacte est nul, tu n’as ramené ni ma cible ni otage pour négocier, donc je ne te dois rien.
— Tut tut tut, vous avez signé, il n’a jamais été question d’une clause de délai que je sache. Vous êtes engagé, quand je remplirai ma part du marché, et ce à quelque moment que ce soit et ce même si vous n’êtes plus intéressé à ce moment-là, votre âme sera à moi ou à quiconque il me sera agréable de la vendre ou donner, répond Milory avec un grand sourire.
Embusqué à cinquante coudées de la clairière – c’est sa distance de confort – Blue observe les deux “qui marchent debout”, c’est étrange, il perçoit parfaitement les pensées de celui qui n’a pas bougé – Masqué –, froideur, il ne pense qu’à exécuter sa tâche ; et tout fond, bien masquée, une légère angoisse liée à la nature de son compagnon. Mais Blue ne perçoit absolument rien venant de celui qui disparaît et réapparaît – Soufre –, pourtant il n’est pas comme Charogne. Certains “qui marchent debout” ne pensent pas ? Ils sont comme les proies ? Sont-ils des proies ? Non, Charogne n’est pas comestible, j’en suis certain et Soufre pue comme les fumerolles d’un volcan ! Peut-être, ceux “qui marchent debout” qui ne pensent pas ne sont-ils pas comestibles.
Blue éprouve le désir de voir Lumineuse, il se lève et se dirige en trottant vers la grande plaine, arrivé à une demi-lieue de la grande plaine, l’air est saturé d’odeurs et de bruits dus à l’armée qui campe là-bas. Blue recule de quelques pas pour échapper à la pestilence, il s’assied et hurle à l’intention de Lumineuse, Ouuuh, Aouuuuh...
***
Anthéa a encore beaucoup de mal à se remettre de la mort du faux Blue, quand Elle regarde Roland indécise.
— Va, Anthéa, de toute façon rien ne te retiendra. Mais à partir de maintenant Enbarr ne s’éloignera pas de plus d’une toise de toi, il est l’ultime rempart, il te protégera de son corps, comme nul ne peut le tuer, ni hommes ni dieux – ce qui inclut tout ce qui est vivant et tout ce qui est mort et/ou immatériel –, tu es parfaitement en sécurité avec lui.
— Néanmoins, pour aller en forêt demande à Adèle de vous accompagner. Et surtout n’oublie pas avec ta voix, qui est une voix de persuasion et non une voix de commandement ce qui beaucoup plus rare et efficace, personne ne peut te résister, pas même ceux qui le croient comme le gwath, mais cela doit rester secret entre toi et moi laisse les autres croire que tu as une voix de commandement. Alors, quand tu rencontreras le loup demande-lui qui il est.
Anthéa, Enbarr et Adèle quittèrent le camp, et trois quarts d’heure plus tard Anthéa retrouva Blue qui l’attendait tranquillement assis.
Elle veut se précipiter vers lui, mais Adèle la retient par l’épaule conformément aux consignes que Roland lui avait transmises. Blue ne l’a pas quittée des yeux il se lève et avance prudemment vers Anthéa. Il s’arrête à moins de deux coudées, Enbarr ne l’a pas quitté de l’œil, Anthéa dit alors.
— Qui es-tu ?
Il regarde Anthéa fixement et incline la tête. Blue !
Soulagée, Anthéa répète Blue, elle s’assied, Blue s’avance et vient frotter son museau sur la joue d’Anthéa. Elle reste ainsi, inondée de bonheur sans réaction pendant quelques instants. Puis soudain, elle se souvient que s’ils ont de terribles ennemis prêts aux pires stratagèmes. Ils ont réellement d’autres alliés…

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Auteur de ce chapitre : scifan.

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55 – L’échange

Anthéa regardait le prince Aran Sangdragon fixement. Il lui semblait le connaître sans pouvoir se souvenir où et comment elle l’avait rencontré. Des images semblent lui revenir... Ses parents, un dragon gigantesque, le visage du prince... puis un trou noir. Le visage du prince à nouveau, mais plus net derrière la chaumière de sa mère adoptive. Encore ce visage dans la forêt... Il lui semble que cet homme a toujours été non loin d’elle, mais toujours hors de portée. Anthéa est troublée par ces souvenirs diffus.
Aran se tourne vers Anthéa et sourit. Une ombre de tendresse passe sur ce sourire.
— Anthéa, je suis heureux de te revoir. Tu ressembles beaucoup à Eileen maintenant, mais tes yeux sont ceux de Liam. Il me tarde de retrouver nos amis. J’espère arriver à temps pour les trouver en vie.
Anthéa blêmit à ces mots. Elle réalise que l’assaut qu’ils s’apprêtent à donner sur son royaume pourrait coûter la vie à ses parents. Elle hésite à mener toutes ces troupes. Aran, et encore plus Angauglith le devinent...
— N’aie crainte, nous ferons tout pour les sauver. Ils ont toujours été là pour nous depuis des siècles. Ils sont les derniers garants d’une magie ancestrale. Mais avant tout, ce sont nos amis. Sais-tu que Liam, ton père, est ce que vous appelez chez les humains le parrain d’Ainu ? Il est comme mon frère. Jamais je ne pourrais l’abandonner.
Anthéa est bouleversée pour ces paroles. Elle s’incline respectueusement et sort de la tente pour essayer de recouvrer ses esprits. Elle s’assied plus loin contre un arbre et regarde les troupes, les elfes, les personnes qui l’entourent... Elle ressent chaque sentiment, chaque crainte, chaque espoir qui traverse ces êtres qu’elle ne connaît pas. Son regard se pose sur ses compagnons de route, Roland, la force tranquille, Adèle la guerrière derrière qui se cache une jeune femme blessée, Ainu la princesse elfe qui ne veut laisser personne l’approcher personnellement, mais espère tellement de l’amitié, ce qui la rapproche de Sue, la — morte qui voudrait tellement connaître la vie et ses joies, l’amitié et pourquoi pas l’amour tel que ressenti par les humains... Tim... Si indéchiffrable. Tellement blessé qu’il ne sait plus tendre la main et accorder sa confiance. Enbarr, cet étalon incroyable qui semble vouloir tout donner pour Anthéa, répondant à tous ses sentiments, présent comme une âme sœur, sachant anticiper chaque émotion qu’elle ressent...
Enfin, le regard d’Anthéa se pose sur le loup... Un loup curieux de découvrir les autres mondes, mais méfiant... Elle ne sait toujours pas s’il sera un allié ou un ennemi. Et pourtant elle voudrait lui accorder sa confiance. Elle le regarde scruter le groupe et ressent les sentiments qu’il éprouve pour chacun. Lorsque ses yeux bleus se tournent vers elle, Anthéa ressent un sentiment de protection, comme si jamais rien ne pouvait lui arriver tant qu’il serait là. Elle sourit doucement et pense à des caresses sur son doux pelage, des caresses, non pas comme celles qu’elle avait pu faire aux chiens de sa mère, mais des caresses tendres et respectueuses, de celles que l’on peut faire à un être aimé sur la joue pour le réconforter et lui apporter son affection. N’ayant aucune envie de cacher les futurs événements, elle se concentre et revit tous les moments qu’elle a vécus depuis son départ de la chaumière, sa rencontre avec les membres du Ka tet, les combats, la rencontre avec Phorcos, les souvenirs de ses parents, la quête invraisemblable dans laquelle elle s’est lancée et des images de guerre à venir... Elle veut qu’il sache, qu’il puisse encore partir tant qu’il est temps.
Blue ne l’a pas quittée des yeux. Finalement, il se lève et avance prudemment vers Anthéa. Il s’arrête à moins de deux coudées, vérifiant où sont les autres compagnons... Il regarde Anthéa fixement et incline la tête.

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Auteur de ce chapitre : Nathdse.

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54 – Les forces se mettent en place

Ainu se redresse blême, et se tourne vers le ka-tet.
— Venez, quelqu’un nous attend. L’attaque contre nos forces a commencé.
Dans le sous-bois, le loup continue à lire ses pensées. Ainu hausse les épaules, elle aussi est connectée sur l’esprit de l’animal.
Les elfes ont terminé le bûcher et l’ont enflammé. Une fumée noire et une odeur âcre envahissent l’atmosphère. Le nelta se met en ordre de marche, une colonne principale flanquée d’éclaireurs, derrière la princesse.
— Roland, nous devons aller vite, tu montes à cheval ?
Roland accepte et monte Ulysse, Tim est resté sur Hardi. Il se tortille un peu, j’espère qu’on ne fera pas de trot.
Anthéa monte Enbarr, et Adèle est sur Star. Ainu saute en selle et installe Sue devant elle. La troupe se met en route au galop soutenu.
Au bout d’une heure, ils ont parcouru un peu moins de cinq lieues. Les licornes du nelta semblent encore fraîches, mais les chevaux du groupe se rapprochent de l’épuisement. Ainu ralentit brusquement au sommet d’une colline.
Devant eux, une grande plaine s’étale, couverte d’un campement. Dans le ciel, une dizaine de grands dragons volent. La troupe rentre dans le camp. Tout autour, des sentinelles veillent, des tours sont dressées, avec des gardiens au sommet. Roland et Anthéa sentent la magie faire vibrer l’air.
Ainu emmène le groupe vers une tente blanche dressée au milieu du camp. Le nelta se sépare et les elfes rejoignent leur bivouac. Deux dragons harnachés sont à côté de la tente, le grand est quatre fois plus gros que le petit.
Sue s’exclame.
— C’est Sindaril. Comment s’appelle le gros ?
Ainu répond.
— Sindaril, c’est le père du mien.
Roland comprend où était parti le jeune Sindaril. Ils descendent de leurs montures à quelques toises de la tente. La princesse les attend à peine, et se rue à l’intérieur.
Là, deux personnages les attendent : un grand elfe aux cheveux noirs et courts, à l’air sévère, et un autre personnage recouvert d’une cape noire, dont on ne voit pas le visage. Ils regardent une carte dépliée sur la table. Ainu est radieuse.
— C’est mon papi.
Roland s’avance et s’incline brièvement.
— Prince Sangdragon.
Adèle avance prudemment. Un plateau de victuailles dans un coin attire son attention. Anthéa semble extrêmement inquiète de voir le deuxième personnage. Elle tente d’utiliser la voix.
— Montrez votre visage !!!
Un rire caverneux lui répond. L’être se tourne face à elle, lève les mains et rabat sa capuche. Le visage qui apparaît est mouvant, et semble composé en partie d’ombre.
— Puisque tu le demandes…
Ainu le présente.
— C’est mon tonton Anfauglith. La magie ne sert à rien en sa présence, c’est un “gwath”, une ombre si vous préférez. Ma tatie s’occupe de la plus grande bibliothèque de l’empire. Ce qu’il y a dedans te plairait, Roland.
Roland se montre intéressé.
Une ombre… un être à cheval entre deux mondes, inaccessible d’aucun des deux côtés, un véritable aspirateur à magie. J’ai lu de choses sur eux, mais je ne pensais pas qu’il en existait encore.
Aran Sangdragon s’adresse au groupe en montrant la table.
— La nourriture est pour vous. Des évènements graves sont arrivés il y a peu.
Il se dirige lui-même vers la table et prend un fruit. Le groupe s’avance, à part Sue qui est fascinée par Anfauglith et se rapproche de lui. Adèle se met à manger tout ce qu’elle peut attraper. Les autres membres du groupe commencent à casse-croûter.
— Des mages noirs ont tenté d’attaquer les navires. Ils sont parvenus à en couler une partie. Heureusement, les légions avaient débarqué, et les mages et les ombres ont bien fait leur travail. Les mages noirs ont fui et sont persuadés d’avoir détruit toute la flotte. À cette heure, les légions finissent d’aider les habitants à maîtriser les incendies en ville.
Roland s’inquiète.
— Vous avez subi des pertes ?
Aran hausse les épaules, et a le même geste vers le ciel qu’Ainu dans la cour de l’auberge.
— Mille de moins ici, mille de plus là-bas… Cela montre juste que le temps presse. Roland, le ka-tet doit rouvrir l’accès à l’île. Nous pensons que maintenant, en plus des mages-renégats, il y a une grosse armée sur l’île, des animaux maudits, comme les sourges, et en plus des Orcs en grand nombre. Si vous arrivez à rétablir les accès, vous n’aurez pas de trop de nos troupes pour reprendre le contrôle de l’île.
— Combien d’elfes de la légion sont prisonniers sur l’île ?
— Entre six et huit mille, je pense, mais certains ne sont peut-être pas prisonniers, ils ont pu se cacher sur l’île et peut-être que Liam et Eileen ont pu en secourir certains.
— Et vos troupes se montent à combien ?
— 12 légions de 12 000 hommes, 12 000 neltas, 2 phalanges de 10 000 nains, 40 dragons, et une légion d’archers des forêts.
— Nous devons rejoindre le portail. Ça va prendre du temps.
— Les dragons peuvent vous amener jusqu’à l’île du portail si vous voulez, mais ils ne pourront que vous laisser sur la côte. Les dragons sont très bien protégés contre la magie et quasiment indestructibles, mais une sorte de tempête empêche le survol du portail. Si vous préférez, une frégate anonyme peut aller vous débarquer. Vous ne trouverez plus aucun autre navire sur la côte suite à l’attaque des mages. Quant à nous, nous ferons voile vers Alastyn, et attendrons de pouvoir débarquer.
— Et si les mages vous repèrent.
— Les gwaths nous placeront dans un espace hors d’atteinte.

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Auteur de ce chapitre : Sangdragon.

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53 – Les réflexions de Blue

Blue s’est embusqué à cinquante coudées de la clairière où se sont réunis ceux qui marchent debout. Il les observe.
Neige lui a appris tout ce que la meute savait de ceux qui marchent debout, il en existe de différentes sortes. Les petits – moins de deux pieds six pouces – vivent dans des grottes et des tunnels, ils en sortent peu, donc sont mal connus. Les grands – six à neuf pieds – vivent en forêt, il est difficile de les dénombrer, car ils sont très intégrés à leur milieu. Les plus nombreux de taille moyenne – de trois coudées à sept pieds – vivent dans des tanières de bois ou de pierre en petites meutes, grandes hordes et immenses rassemblements.
La première rencontre de Blue avec cette espèce date d’il y a neuf mois – il n’était pas encore un adulte à l’époque, mais déjà puissant. Dans la forêt, un ours avait tué une “qui marche debout” et s’apprêtait à tuer son petit, Neige s’était interposée entre le petit “qui marche debout” et le prédateur, elle avait montré ses crocs à l’ours qui en réponse se leva comme un “qui marche debout” en grondant. Blue s’était précipité au côté de sa mère imité par Traqueur et Sombre. L’ours avait préféré aller affronter les abeilles pour leur miel plutôt que les loups pour un morceau de viande. Sombre avait pris dans sa gueule les langes du petit “qui marche debout”, tous quatre s’étaient rendus à l’orée de la forêt, Traqueur les mena nuitamment à la ferme la plus proche où ils déposèrent le petit “qui marche debout” dans la cour, les aboiements des asservis réveillant toute la maisonnée. Ils s’éclipsèrent, se saisissant, qui d’une volaille, qui d’un lapin, en paiement de leur service, ils dévorèrent leurs proies dès leur retour en forêt, avant de rejoindre la meute.
Sa seconde rencontre date du lendemain de son abandon de la meute. Ce fut avec une jeune “qui marche debout”, vêtue d’un chaperon et d’une cape rouge. Dès qu’elle le vit, il sentit sa peur et fit une découverte bouleversante. Adulte, il percevait les pensées de la “qui marche debout” comme celles des loups. Il joua avec sa terreur pendant une heure courant derrière elle comme s’il allait la dévorer ; lui faisant croire qu’il l’avait perdue, surgissant devant elle, tous crocs dehors ; la débusquant cachée au cœur d’un buisson. Vingt fois, il eut pu la tuer. Satisfait de ses qualités de chasseur et de la découverte de sa capacité à lire les pensées de ceux qui marchent debout. Il l’abandonna à ses peurs se disant qu’on parlerait longtemps de leur rencontre.
Il y a d’abord “La Charogne”, d’elle ne parvient aucune pensée, elle n’est pas réellement une “qui marche debout”, elle l’a été, mais ne l’est plus, c’est une charogne son odorat le lui affirme, une charogne qui se déplace qui émet des sons, mais une charogne. Sans intérêt !
Ensuite, il y a la grande femelle, “Oreilles pointues”, elle sent la forêt, la nature, elle est très vieille, son aspect est jeune, mais son aura est vieille. Elle agace Blue, elle communique avec lui, mais il n’a nul besoin qu’elle s’adresse à lui, il lit toutes ses pensées même celles dont elle n’est pas consciente, qu’a-t-il à faire de ce qu’elle désire lui faire savoir ? “Ami loup” lui a-t-elle transmis accompagné d’une image de lame qui vole. Elle pense “membre de la meute” mais elle n’est pas membre de sa meute, elle le met en garde comme si elle était sa chef de meute, mais elle n’est pas sa chef de meute, elle sait qu’il est un loup, mais elle attend de lui le comportement d’un asservi – ils utilisent le terme “domestiqué” et plus spécifiquement “chien”. Elle chasse les Sourges, mais ne les mange pas. Quoique Blue en ait tué deux, leur viande n’est pas goûteuse, il a mangé, mais sans plaisir. Nul désir de voyager avec elle.
“Crinière rouge” sent la prédatrice, tueuse efficace, mais qui ne tue pas inutilement, elle pense à se nourrir copieusement quand elle en a l’occasion, à se reposer quand elle le peut, elle est semblable à une louve, que n’en est-elle une la quête de Blue serait terminée. Suivre sa route est tentant.
“Le jeune” sent la mer, le vent, la terre, la prairie, la lave, tout bouillonne en lui, une grande force est sur le point d’éclore, mais toutes ces odeurs sont masquées par la peur, la crainte de l’extérieur et de lui-même, tout est tellement confus en lui que Blue n’arrive pas à faire le tri. L’accompagner jusqu’à ce qu’il se révèle serait sûrement intéressant, peut-être dangereux.
“Le mâle”, c’est étrange, il sent le mâle, mais il sent aussi la meute, son odeur est multiple et unique comme celle d’une meute, solide comme le roc, il considère Blue comme un loup – rien qu’un loup, mais tout un loup, avec ses besoins et son instinct. Ni ami ni ennemi, étrangement leurs pensées sont semblables, le Ka décidera s’ils chemineront côte à côte.
“Lumineuse”, elle sent très bon, elle sent les fleurs des prairies, elle sent l’odeur de la mère pour le louveteau, elle sent l’aube, la rosée matinale qui s’évapore. Elle pense à Blue comme Neige pensait à lui quand il était un louveteau, sa pensée est caressante, tout en elle est lumineux. Blue ne comprend pas pourquoi, mais il ressent un profond désir de veiller sur elle.
Les nouveaux venus, soixante grandes oreilles, ont transformé la meute en horde. Si Blue envisageait de suivre la meute, il est pour lui hors de question d’être dans le sillage d’une horde, famine assurée ! Il décidera quand ils reprendront la route, soit les nouveaux venus repartent de leur côté et il suivra la meute des six, soit ils voyagent tous ensemble et il reprendra sa recherche d’une compagne.

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Auteur de ce chapitre : scifan.

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52 – La douleur d’Ainu

Anthéa, Roland, Adèle et Tim finissaient de lever le camp. Tous les chevaux, toutes les mules et Enbarr avaient été préparés minutieusement.
Le feu éteint, Roland prend les choses en main.
— Il est temps, nous allons commencer à avancer doucement. Les papillons de Sue ne tarderont plus à arriver.
Il avait à peine fini sa phrase que Vincent se posait sur le bras d’Anthéa suivi de près par Cléo. Nobu et Socrate voletaient autour d’Enbarr.
Viens Anthéa, la voie est libre. Le Nelta d’Ainu nous a rejoints.
Anthéa informe ses compagnons. Ils partent donc, suivant les papillons au travers de la forêt. Ils ne tardent pas à voir les traces d’affrontements récents. L’inquiétude monte au sein du groupe.
— Restons bien groupés. Il ne doit pas y avoir de danger sans quoi les papillons de Sue nous auraient prévenus, mais ne sait-on jamais ? Rassemblez les bêtes le plus possible.
Roland tient son Oo’lu fermement, paré à toute éventualité. Adèle sort son épée du fourreau et se poste en fin de groupe.
Anthéa regarde Tim, inquiète :
— Tim c’est maintenant qu’il nous faut maitriser nos pouvoirs. Invoquons-les. Mais avant regarde-moi. Tu es serein ! Tu ne risques rien ! Notre force réside dans notre sérénité.
Elle invoque sa propre force et intime à son compagnon la même force intérieure. Tim lui prend la main. Il inspire profondément et semble prêt à tout affronter.
— Merci Anthéa.
— On avance.
Roland prend les devants dans la suite des papillons. Une scène incroyable se découvre alors aux yeux de tous. Des créatures immondes sont étendues au sol ainsi que quelques mages, cinq au total. Des elfes s’assurent qu’il ne reste aucun survivant et rassemblent les corps pour faire ce qui ressemble à un bucher.
Anthéa est effarée. Elle s’approche du carnage et regarde autour d’elle.
Ainu explique les événements, l’attaque et la poursuite des éventuels survivants par son Nelta.
— Vous n’auriez pas dû ! Anthéa se tourne vivement vers Ainu. Les mages… ils sont reliés entre eux. Ils ont prévenu les leurs.
— Et quoi ? Nous ne pouvions rien faire d’autre. Il nous fallait avancer pour rejoindre Alastyn.
Sue ne semble pas dérangée outre mesure par la tournure des événements. Elle est dans son élément.
Mais soudain, tous les elfes stoppent leur activité et se tournent vers Ainu, pâles. Ainu se met à hurler. Pliée en deux comme si elle souffrait, elle pose un genou à terre.
— NOOOON !

***
Auteur de ce chapitre : Nathdse.

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51 – Le retour de Qrahem’terh

Planète Terre (celle de Timothée), sud de l’Europe, Espagne, île d’Ibiza, 
village de San Joan, plage de Cala San Vicente, nuit de la saint jean 1968.

Les hippies grouillent, sur la plage, rassemblés autour des feux, les joints et surtout les pipes passent de mains en mains. Tous refont le monde, se touchent, rêvent, parlent de l’arrivée prochaine de Bob Dylan et de Joni Mitchell. Anant vend des places pour les concerts qu’il organise en plein air. Certains se livrent à la méditation assistée selon la méthode prônée par Timothy Leary. Qrahem’terh et les mages noirs instiguent à l’antagonisme entre hippies et guardia civil (on ne se refait pas). Tout va pour le mieux dans le meilleur et le pire des mondes. La nuit avance des couples se forment, des groupes aussi, les mages noirs emmagasinent l’énergie dégagée par les ébats qui les entourent.
Qrahem’terh ressent une douleur intense, on déchire son cœur, puis une seconde tout aussi violente, il perd le souffle, une troisième le terrasse il regarde ses compagnons, tous sont à genoux, une nouvelle douleur les atteint tous, lorsque la cinquième arrive Qrahem’terh a déjà laissé éclater sa rage.
Marre d’être les méchants ! Peut-être ? Mais de là à devenir des proies… Tirés comme des lapins.
La cinquième victime a eu le temps de lui transmettre : Elfes… pas vus… Ainu…
— NON ! s’écrit-il.
— Ils piqueniquaient tranquillement quand ils ont été assassinés par cette… cette future morte. Tant pis pour eux, ils veulent des grands méchants ? Ils vont en avoir ! Faites le plein d’énergie, on part dans une demi-heure !
Les mages noirs se jettent sur les humains les plus proches femmes ou hommes et se consacrent au sabbat. Une demi-heure plus tard laissant leurs partenaires épuisés, haletants, aux portes de la mort. Qrahem’terh et les siens forment un cercle autour du dernier feu, puis disparaissent.
Qrahem’terh et les quatre mages noirs qui l’accompagnent se matérialisent sur le Gobba, qui domine la baie de Fiume, sur la côte ouest de Shanya. Dans la baie, cent cinquante navires elfes sont encrés, au large deux cents autres tirent des bords.
La totalité de leur flotte ! Magnifique !
— Ah vous tirez sur les nôtres sans sommations, mes amis déchaînez-vous !
L’un provoque un vortex descendant qui embrase l’eau du port, enflammant instantanément les navires à l’ancre. Le second fait pleuvoir des enclumes sur les vaisseaux enflammés. Le troisième déclenche un tsunami qui soulève les navires non amarrés à vingt toises de haut pour les projeter dans la ville dont toute la partie basse est détruite les eaux du port reprennent feu après son passage. Le quatrième fait pleuvoir une nuée de flèches exterminant tous les survivants éventuels. Qrahem’terh lui retient dans la baie tous les bruits, fracas et cris d’agonie que leurs actions provoquent, leurs ennemis ne doivent rien savoir de l’extermination à laquelle ils viennent de se livrer, en justes représailles du lâche assassinat de cinq des leurs.

***
Auteur de ce chapitre : scifan.

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50 – Pendant ce temps-là

À bord du “H.M.S Mirage”, c’est le branle-bas, un dragon vient de s’abattre sur l’enveloppe du vaisseau. Le capitaine a beau hurler des ordres, l’équipage être aux postes de combat ; c’est la catastrophe, l’armement dont est équipée la nacelle est inutilisable pour se défendre d’une attaque au-dessus de l’enveloppe, un ballonnet est déjà crevé par les griffes de l’assaillant, qui rabat le navire vers les flots. Siegfried lève le bras droit vers le ciel et ouvre sa main, une chaîne d’or en sort et monte le long de la structure de l’enveloppe pour saisir le dragon, mais celui-ci déchirant un deuxième ballonnet lâche sa proie, et pique vers le cogge sur lequel ont embarqué le garçon qu’il poursuit et ses acolytes. Malgré deux ballonnets crevés, le dirigeable libéré fait un bond ascensionnel.
— Merde, j’espérais bien le couper en deux, dit-il.
Il amorce le mouvement qui permet à la chaîne de réintégrer sa place, pendant que le capitaine envoie des gabiers calfeutrer les ballonnets déchirés.
— Moi je l’aurais volontiers brûlé, c’est amusant de cramer un dragon, l’arroseur arrosé, un grand classique non ? s’exclame Milory, avant d’ajouter : il va en faire un barbecue du rafiot, griller nos proies ?
Il est idiot le démon ou il fait de l’humour ?
— Il a plutôt l’air d’aller rejoindre son maître ! En tout cas pour la discrétion c’est mort, regardez, il reçoit des ordres… Il repart vers l’ouest… Maintenant, c’est la fille qui arrive sur son cheval qui galope sur les flots comme s’il s’agissait d’une prairie.
— Ça se couvre, regardez, professeur, ils attachent un radeau, à la poupe, pour le cheval.
— Vous avez raison, mon cher démon, pour se couvrir ça se couvre, nous allons bientôt les perdre, vous n’auriez pas une idée pour dissiper cette purée de pois qui s’étend à perte de vue ?
— Que voulez-vous, professeur ? Que je convoque deux ou trois cents de djinn, pour qu’ils soufflent les nuages sur neuf cents lieues ? (1)
— Non, vous avez raison, de toute façon quand les nuages se dissiperont, nous n’aurons aucun mal pour repérer un cogge de cette taille avec un radeau en remorque. La question est : vont-ils garder le cap au nord ou faire demi-tour ?
— Ils vont en profiter pour faire demi-tour. Puisqu’ils savent que nous les avons vus naviguer cap au nord !
— Sauf s’ils raisonnent au deuxième degré, et donc continuent cap au nord, de plus le navire est chargé de marchandises qui étaient probablement destinées au nord, cap pris au sortir du port. Seule certitude, ils ne retourneront pas à Erestia.
— Je propose de nous laisser porter par les vents, pour économiser le carburant inexistant dans ce monde, intervient le capitaine.
Le professeur approuve.
Le lendemain quand le ciel se dégage, pas le moindre cogge, avec un radeau en remorque, à l’horizon. Milory entre en transe, sonde le continent, à la recherche de concentration de pouvoirs magiques, c’est long, épuisant, le continent est vaste, les mages, démons, sorciers, nécromants, elfes, des deux sexes et créatures magiques, sont très nombreux. À trois reprises, il localise des concentrations importantes, mais après examen les caractéristiques sont différentes de celle du groupe recherché, et là, oui à Alexandia, c’est ça, c’est bien eux !
— Capitaine, cap sur Alexandia !
Cinq heures plus tard, Siegfried baisse les bras vers un bateau de pêche, il ouvre les mains, deux chaînes d’or en sortent, descendent jusqu’au bateau, s’enroulent autour du cou de chacun des deux pêcheurs qui sont à bord, les étranglent, le professeur se retient. Ne pas les décapiter, ne pas inonder leurs vêtements de sang. Les chaînes relâchent les cous des pêcheurs et réintègrent leurs places.
Siegfried et Milory descendent le long d’un filin, prennent pied dans le bateau, déshabillent les deux marins, jettent les corps à la mer, enfilent les vêtements des morts, mettent les leurs dans le sac marin que le professeur avait pris soin de prendre. Ils mettent le cap sur le port de pêche, il est seize heures lorsqu’ils débarquent à Alexandia. Milory se concentre.
— Ils ne sont plus là !
— Cherche-les !
— Vous êtes bien bon professeur ! En l’air, c’est faisable, mais au sol au-delà d’une ou deux lieues(2) c’est impossible !

***
Notes :
(1) Ici, il s'agit de lieues marines égales à 1/20e de degré (du périmètre de la Terre à l'équateur).
(2) Et là, de lieues terrestres ou lieues communes, plus courtes, égales à 1/25e de degré.

***
Auteur de ce chapitre : scifan.

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49 – Escarmouche

Ainu se lève.
— Allez ! les fainéants, on bouge !!
Ainu se dirige vers les animaux. Elle se penche devant chacun des chevaux et des mules. Puis elle brosse Tinuviel et l’équipe, tapis de selle, selle, filet. Adèle vient l’aider. Les deux filles s’occupent de préparer les chevaux. Roland charge les mules. Anthéa laisse les expertes faire et prépare de quoi manger avant de partir, sous le regard reconnaissant d’Adèle. Tim regarde l’activité avec l’air de quelqu’un qui viendrait bien aider, mais qui n’a aucune idée de ce qu’il y a à faire. Sue a plutôt l’air de s’amuser de l’agitation du bivouac en train de se préparer au départ.
Blue reste dans le sous-bois, couché. Il regarde la compagnie se préparer.
— Sue, Ainu monte en selle. Nous partons reconnaître la route.
Elle sort de ses fontes et assemble un arc composite court, et passe un carquois sur son épaule. Elle saute en selle, tend la main et hisse la petite morte devant elle.
— Si les papillons de Sue reviennent, suivez-les. S’ils s’arrêtent, vous vous arrêtez. S’ils volent au ras du sol, faites-vous discrets.
Adèle regarde les deux filles sur la licorne. Elle hoche la tête. Aujourd’hui, elle assure la sécurité du convoi.
L’elfe donne un coup de talons. Tinuviel se cabre et se jette en avant. Dans le sous-bois, Blue suit l’étrange équipage. Ils galopent à allure réduite. Au fur et à mesure qu’ils s’éloignent, Sue sent Ainu se détendre et profiter de la course.
— Ainu… C’est quoi la plus grosse bataille que tu aies connue ?
— Hmmmm…
— Allez, raconte…
— Il y a un peu plus de 300 ans, un chef orc a réussi à convaincre les tribus à venir le rejoindre pour créer une armée assez grande pour détruire l’empire. En quelques mois, il a rassemblé 750 000 Orcs. À cette époque, une légion elfe était à la disposition de l’empereur. Et le général des hommes était hâtif, et recherchait la gloire.
— Tous les guerriers cherchent la gloire, non ?
— Une guerre est menée pour détruire un ennemi. Une bataille doit être livrée pour gagner.
Ainu passe à une allure de pas rapide quand la route rentre dans la forêt.
— Allez, raconte l’armée orc…
— Le général humain a décidé d’attaquer sans attendre que toutes les troupes soient prêtes. Il a marché sur la montagne où les Orcs se rassemblaient avec 75 000 hommes et la légion elfe. Le commandant de la légion avait demandé d’attendre le reste des troupes, mais le général méprisait trop son ennemi, et recherchait trop de gloire. La quasi-totalité des hommes a été massacrée. Et la légion avec.
— Une légion elfe complète, ça fait beaucoup de monde ?
— 12 000 combattants… 8 000 sont morts. Après, papi et ma tatie sont arrivés avec les légions au complet et les dragons, et ils avaient même rassemblé 3 phalanges de nains, papi était furieux. Il a pris le commandement du reste de l’armée des hommes.
— Ça fait combien de monde tout ça ?
— Douze légions de 12 000 elfes, 60 000 neltas, 3 phalanges de 10 000 nains, et 80 000 hommes de la réserve. Pendant ce temps, 300 000 autres orcs avaient rejoint la montagne.
— Ça a dû être un massacre.
Ainu hausse les épaules.
— La nourriture a manqué dans la montagne, les Orcs ont commencé à se battre entre eux, et les derniers arrivés ont reproché aux autres de ne pas les avoir attendus. Bref, quand l’armée est arrivée, 500 000 Orcs étaient déjà morts, et les autres étaient en train de se débander. Du coup, les neltas sont partis en chasse…
— Les neltas ?
— Oui, les archers montés. Je suis général des neltas. Notre rôle est d’affaiblir l’ennemi avant la bataille, d’intervenir pendant la bataille pour empêcher de déborder les légions, et de chasser les survivants quand ils fuient. Cette fois, nous avons tué 500 000 Orcs des tribus en fuite.
— Mais… il y avait des femmes orcs… d’enfants orcs…
— Pendant 70 ans, les Orcs n’ont plus été un problème dans l’empire… Et là, on a des visiteurs…
Ainu dégage son arc, et tire rapidement une flèche vers une branche qui surplombe la route. Un être, mi-ours, mi-singe, tombe sur la route. Tinuviel s’est mis au petit galop, son allure de combat habituelle. Sue lâche ses papillons. L’elfe arrête brutalement sa monture et tire plusieurs flèches. Dans le bois, un remue-ménage se produit là où Blue vient de broyer deux adversaires. Sue se cramponne à la crinière de la licorne quand elle repart en avant. Une bête se jette dans leur dos, Tinuviel rue, et lui écrase le visage. Une autre se jette sur les filles d’un fourré au bord de la route et s’écrase sur les poignards de Sue.
— Là !! Un s’enfuit.
Ainu lance sa monture à la poursuite de la bête qui s’enfuit. Un papillon perturbe sa course. L’elfe en profite et tire une flèche qui traverse la nuque de l’animal et le cloue à un arbre.
— Ce sont des éclaireurs Sourges… Ainu a une grimace. Il doit y avoir un de leur campement quelque part. Ils se déplacent toujours en groupe.
Tinuviel ralentit, la licorne se déplace maintenant dans la forêt sans faire le moindre bruit. Sur leur droite, Blue se déplace presque aussi silencieusement. Une odeur de feu alerte Ainu. Elle arrête sa monture. Elle met pied à terre. Sue reste sur la licorne qui s’immobilise pendant que l’elfe et le loup avancent précautionneusement.
Devant eux, dans une clairière, un bivouac est installé. Ainu dénombre plus d’une centaine de Sourges, encadrés par quelques mages noirs. La situation est critique. Ils ne peuvent pas manquer d’intercepter la troupe qui devrait traverser le campement pour continuer sa route.
Un mouvement attire l’attention d’Ainu, de l’autre côté de la clairière. Elle prépare son arc. Sue qui s’est rapproché à un regard inquiet vers l’elfe. Ainu lui jette un regard souriant, et le lève d’un coup, tirant flèche sur flèche sur la troupe rassemblée. Les mages noirs tombent en premier. Sue entend un grondement, et un groupe de cavaliers pénètrent dans la clairière en tirant flèche sur flèche. Sue reconnaît des licornes. En quelques minutes, le campement est dévasté. Quelques cavaliers se lancent dans les sous-bois, à la poursuite de fuyards. Quelques cavaliers s’approchent d’Ainu et de Sue. Ils portent la même tenue que la princesse.
— C’est mon nelta… 60 cavaliers.
Un cavalier descend de sa licorne et s’incline brièvement en se frappant la poitrine d’un poing.
— Princesse.
— Capitaine… Vous êtes plus que bienvenues, elle se tourne vers Sue. Le reste du voyage sera plus facile.
— La flotte est prête, et vous attend, vous et vos compagnons. Le prince vous dit de faire savoir à la princesse Anthéa que les légions ne pourront pas débarquer sans que vous ne trouviez un moyen de briser le sort qui empêche de regagner Alastyn… Mais si la porte s’ouvre, les 12 légions sont prêtes, sous le commandement de votre tante, ainsi que l’escadron des dragons, et les neltas.

***
Auteur de ce chapitre : Sangdragon.

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48 – Blue étudie le groupe

Blue reste à distance. Il a bien noté le message télépathique de l’Elfe, mais se méfie encore. Ce groupe est déstabilisant. Une Elfe, une “morte”, des humains pas forcément ce qu’ils semblent être... Un étalon légendaire... des équidés simples...
Trop de questions trottent dans sa tête pour qu’il s’approche davantage.
***
Sue remarque le réveil en sursaut d’Ainu et s’interroge... Que se passe-t-il ? aurait-elle remarqué un danger que je n’ai pas détecté ?
Inspectant les alentours rien ne semble bouger, mais une présence est belle et bien tapie. Qu’est-ce donc ?
— Ainu ! Qu’est-ce que c’est ? chuchote-t-elle.
— Un loup ! Je ne sais pas encore s’il est ami ou ennemi. J’ai tenté une connexion télépathique, mais il ne répond pas.
Anthéa qui s’est réveillée également répond :
— Aucune mauvaise intention ne me parvient. Plutôt de la curiosité. Ce loup s’interroge sur notre groupe.
— Alors, nous ne risquons pas grand-chose. Ces intentions malveillantes auraient déjà transpiré dans le cas contraire. Laissons-le nous étudier, peut-être se montrera-t-il, tranche Ainu.
— Hum... Un loup. Méfions-nous tout de même ! Nous avons besoin de nos bêtes – ne t’en déplaise Enbarr – il ne faudrait pas qu’il nous guette pour se nourrir.
Roland a rejoint le groupe éveillé sans crier gare faisant sursauter les trois jeunes femmes en pleine discussion.
Se tournant vers le reste du campement, elles découvrent que tous se sont réveillés et inspectent les environs à la recherche du prédateur potentiel.
***
Blue voit le campement s’éveiller et les compagnons discuter à son sujet. Il entend clairement chaque mot et s’étonne de la véracité des propos des humains. Comment peuvent-ils cerner si vite mes intentions ? Ils ne sont pas comme les autres. Peut-être devrais-je les suivre quelque temps pour voir qui ils sont. L’humaine doit avoir mon don de perception. Quant à cet homme, il peut être dangereux.
***
Mais c’était sans compter le don d’Anthéa d’imposer sa volonté à tout être.
— LOUP ! Montre-toi à moi, je te le demande.
La voix d’Anthéa s’impose à la volonté de Blue. Il avance doucement et surgit des fourrés. Il reste malgré tout loin du groupe.
Ainu retente une approche plus pacifique :
— Ami loup ?
Blue incline la tête de côté et observe ce groupe hétéroclite.
— Ni ami. Ni ennemi. Juste intrigué, répond-il finalement.

***
Auteur de ce chapitre : Nathdse.

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47 – Le rêve d Ainu

Ainu s’endort très vite. Son sommeil devient agité. Une mer brumeuse est couverte de plusieurs centaines de frégates elfes, fines et rapides, avec deux mâts et des voiles blanches triangulaires. Sur le navire en tête de la flotte, un grand mage est en conversation avec les capitaines elfes.
— La réussite du projet dépend de la rapidité de vos troupes. Dépêchez-vous, l’assaut est commencé.
Un Elfe sans âge aux cheveux étonnamment courts et noirs est assis au bout d’une table. Son air sévère et les regards furtifs que lui lancent les autres capitaines présents le désignent comme le chef de l’expédition.
— Les légions feront leur part du travail, il lance un regard vers le mage. Mais les nouvelles que vous apportez sont tardives. Si nous arrivons trop tard, les pertes risquent d’être énormes. Les légions peuvent se trouver prises au piège. Liam et Eileen sont amis et protecteurs des Elfes, mais beaucoup de magie est à l’œuvre sur leur île. Et nous avons eu à peine le temps de rassembler quatre légions.
L’île surgit de la brume. Partout, sur les frégates, les hommes se préparent. Les échanges d’informations par manipulation de drapeaux vont bon train à travers la flotte. Un orage semble envelopper l’île. Un jeune officier finit d’échanger des signaux avec les autres bateaux, et lance vers le commandant.
— Prince Sangdragon, les troupes sont prêtes.
Dans son rêve, Ainu s’agite.
— Faites débarquer les légions et rendez-vous, le plus rapidement possible, vers le palais. Les légions vont être seules. Vous connaissez les consignes, il s’adresse au capitaine du bateau. Vous connaissez notre mission, cap vers le pied du château, côté mer.
Le bateau s’éloigne de la flotte qui se précipite vers la côte. Le prince regarde avec inquiétude, les bateaux qui se jettent sur le sable et débarquent des milliers d’Elfes qui se forment immédiatement en manipules et s’assemblent en une grande armée qui, à peine formée, commence à se diriger vers l’orage qui enferme le palais d’Alastyn.
Aran Sangdragon va se placer à la proue de la frégate isolée, qui s’approche de la falaise au pied du palais assiégé. Il lève le bras. Au bout d’un moment, un hurlement emplit le ciel. Un gigantesque dragon rouge sang descend vers le bateau. Il ressemble à un grand lézard ailé, avec un corps de dix toises de long, un cou de trois toises, et une longue queue de cinq toises terminée par une boule de pointes. Il vole à côté du bateau, et tend son cou vers l’Elfe qui saute adroitement sur la selle sanglée à la base de son cou. Il passe ses cuisses dans les anneaux de vols, et se cale les pieds dans les anneaux bas. Il n’y a pas de rênes. Il dirige le grand dragon par symbiose mentale.
“Ami Sindaril, je suis avec toi.”
La réponse est immédiate.
“Ami Aràn, je suis avec toi.”
Le dragon s’élance vers le ciel. D’en haut, la scène qui se déroule sur l’île est dantesque. Les troupes de défense du château ont visiblement été surprises par une attaque menée par plusieurs milliers d’Orcs, soutenus par une puissante magie dévastatrice. Les murs extérieurs sont tombés. L’armée elfe de secours taille des trouées sanglantes dans les rangs désorganisés des Orcs. Malgré leur magnifique travail de massacre, les manipules ne progressent pas. Les éléments se déchaînent sur les Elfes, qui semblent même marquer le pas.
Aràn ne perd pas de temps et fonce jusqu’aux dômes blancs du château. Sur une terrasse, en haut du château, un couple paniqué regarde le champ de bataille. Le prince elfe se pose juste à côté d’eux.
— Prince Sangdragon… Nos messagers sont arrivés trop tard.
Le prince saute à bas du dragon qui pousse un hurlement sauvage.
— Les légions sont là !
— Il est trop tard pour l’île, renvoyez vos légions avant qu’elles ne soient massacrées. Mon ami, vous pouvez encore nous aider, Liam se tourne vers sa femme, qui porte un enfant effrayé. Sauvez notre fille, emmenez-la à l’abri.
Aran prend la mesure de la situation.
— Je l’emmènerai jusqu’à Lempëa, elle sera élevée en sécurité, parmi nos jeunes enfants.
— Non, il ne faut pas qu’elle quitte ce monde. Conduisez-la chez un couple de paysans qui vit dans une chaumière isolée à cinq lieues au sud-est d’Erestia. Ils sont préparés à cette éventualité, et sauront quoi faire.
— Mais comment votre fille va vivre cet évènement ?
Liam se penche vers le visage effrayé de l’enfant. Il a un geste au-dessus de sa tête. Eileen tend Anthéa qui semble être endormie au grand Elfe.
— Vite !
De grandes volutes de fumée s’élèvent de la ville en contrebas. Des clameurs de victoire parviennent jusqu’à la terrasse. Aran prend l’enfant dans ses bras. Le dragon tend son cou et l’Elfe se réinstalle. Sous les regards en larmes de Liam et Eileen, le dragon s’élève rapidement.
Ainu se démène dans son sommeil, revivant l’histoire que lui a racontée son grand-père avant qu’elle parte pour son long voyage.
— Une partie des légions n’a pas pu regagner les bateaux, et est encore prisonnière de l’île.
Ainu se retourne en gémissant. Soudain, une image se forme en surimpression dans son esprit. Deux yeux bleus regardent les chevaux. Instantanément, elle est réveillée.
Ami loup ? Elle envoie une image d’avertissement, une lame qui vole, faisant un rempart mortel autour des chevaux. Elle attend sans bouger, consciente que le loup a reçu son message, et a identifié une Elfe dans le groupe qu’il surveille.

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Auteur de ce chapitre : Sangdragon.

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Blue

  • Physique :
Deux coudées au garrot, trois de long, plus une avec la queue, cent trente livres, pelage gris, quarante-deux dents blanches dont quatre crocs de deux pouces, et d’étonnants yeux bleus.
  • Caractère :
Fier, sauvage, réfléchi...
  • Aptitudes :
Court à dix lieues par heure, avec pointe à quinze. Perçoit les bruits à plus de deux lieues de distance. Odorat exceptionnel cent fois plus développé que celui d’un humain. Voit dans le noir comme dans la lumière. Blue perçoit les pensées de ses congénères sans que ces derniers n’en soient conscients.
  • Métier/Occupation :
Prédateur, auxiliaire de la sélection naturelle.
  • Les secrets :
Il ne s’en connaît pas.
  • Histoire :

Blue a deux ans. Unique petit de l’ex-couple alpha de la meute, il fut la cause de la mort de son père. À sa naissance, ce dernier était âgé de dix ans, le principal prétendant prit prétexte d’une “portée” d’un seul louveteau, pour défier son père. À l’issue d’un combat acharné, les deux belligérants succombèrent à leurs blessures. Trois crocs prit la tête de la meute. La mère de Blue, Neige, alors âgée de six ans, se refusa à Trois crocs, il en était toujours ainsi il y a une semaine quand Blue le défia. À l’âge où les yeux des louveteaux virent au brun, ou au jaune, ceux de Blue restèrent bleus, ce qui n’arrangea pas la situation pour Neige au sein de la meute, mais ceux qui essayèrent de s’en prendre à Blue eurent vite compris qu’ils devraient le tolérer.
Il y a une semaine Blue a défié trois crocs, anticipant ses attaques il l’a vaincu. Blue n’a pas pris la tête de la meute, il a rétabli Neige femelle alpha. Sa mère a choisi Traqueur comme compagnon, c’est un mâle de cinq ans très puissant qui n’avait jamais rabroué ni Blue ni Neige. Ils feront s’agrandir la meute, pense-t-il.
Le lendemain, après avoir fait ses adieux à Neige, Blue quittait la meute à la recherche d’une louve à saillir ou d’une meute à conquérir.

***

Auteur de ce personnage : scifan.


46 – Départ

Adèle et Sue se dirigèrent vers la place du marché, afin de trouver de quoi manger. Tout se passa comme prévu et elles ramenèrent de quoi tenir plusieurs semaines, y compris avec l’appétit d’Adèle.
Anthéa et Tim avaient déniché une carte assez détaillée des environs et un grand parchemin montrant une carte globale de la région.
Ainu et Roland arrivèrent avec quatre chevaux de selle : une jument noire, dépourvue de la moindre tache, de dix ans, nommée Nuit ; une autre, bai clair, étoile en tête, balzanes chaussées aux postérieurs et à l’antérieur droit, de neuf ans, nommée Star ; un étalon gris rouanné, tête cap de maure, de douze ans, nommé Hardi ; un hongre pie-alezan, de huit ans, nommé Ulysse ; et trois mules nommées par le nom féminisé de leurs robes, Boucharde, Boyarde, et Robine, toutes âgées de neuf ans.
Ils confièrent leurs chevaux au palefrenier, engagèrent trois gros bras pour surveiller leurs provisions.
— S’il manque quoi que ce soit, vous aurez affaire à moi, vous verrez ce qu’une guerrière peut faire ! lança Adèle, avant d’ajouter : allons déjeuner ! Ne me regardez pas comme ça je fais des réserves d’énergie !
— Très bien, je vais en profiter pour aller visiter la bibliothèque, je ne peux quitter Alexandia sans visiter la bibliothèque la plus célèbre de ce monde.
— Oui, vas-y ! approuvèrent-ils en cœur.
— Sois là dans deux heures pour charger les bêtes ! ajouta Adèle.
À l’aide de son study-pad, Roland prend copie par absorption, du catalogue de la bibliothèque, il introduit le study-pad dans sa poche Nakor, le ressort aussitôt, dessus il lit : “5 min STP”. Il le remet dans sa poche, puis choisit une table de lecture déserte, car elle est plongée dans la pénombre. Il s’installe, ressort le study-pad, dessus figure une liste de quatorze ouvrages inconnus de son ordre, Roland s’adresse à une bibliothécaire qui lui indique où trouver chacun, il les rapportent par deux ou trois jusqu’à sa table de lecture, pose le study-pad sur chacun. Le study-pad absorbe le contenu d’un ouvrage de quatre cents pages en cinq minutes, ce qui lui permet d’être de retour à l’auberge avec moins de dix minutes de retard.
Tous sont encore attablés, écoutant Timothée qui leur explique avec difficulté qu’il a été un excellent cavalier, il y a plusieurs années, et que dans son monde on dit : “c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas !” Adèle et Ainu se demandent ce qu’est un “vélo”, mais aucune ne demande. Sue sourit, se promettant de leur expliquer plus tard, car Roland vient d’entrer.
Le temps de bâter les trois mules et de répartir les charges, ils sont fin prêts pour le départ…
La traversée d’Alexandia par un tel équipage n’est pas des plus discrètes, mais pas non plus un évènement exceptionnel. La route est large et fréquentée jusqu’à l’auberge de la pette d’oie sise à quatre lieues d’Alexandia, une route à leur dextre se dirige vers Shannon, une à leur senestre s’enfonce en Shanyl, et tout droit la route s’étrécit, mais reste confortable jusqu’à la forêt de Brucélionde deux lieues plus loin.
Après concertation ils continuent, mettent pied à terre – à l’exception de Roland qui marche à leurs côtés depuis Alexandia – pour la dernière lieue avant l’orée de la forêt, où ils installent un bivouac, auprès d’un ru. Après avoir déchargé, débâté, pensé, inspecté, nourri et abreuvé les chevaux, ils dînent de viande séchée de pain encore frais et de fromage. Sue les persuade de l’inutilité d’instaurer un tour de garde, elle veillera pour eux et ne doute pas qu’ils se réveilleront promptement si elle les alerte.
Le feu allumé, ils ne tardent pas à s’endormir ; Anthéa entre Adèle et Ainu ; Tim entre Ainu et Roland. Sue regarde la lune.
***
Blue approche de la lisière de la forêt, les arbres sont plus espacés, la lune éclaircit le paysage. Il s’arrête, adapte sa vision, hume l’air. Et… ? Une odeur de mort ? Non, de putréfaction, masquée par du chèvrefeuille, mais de putréfaction.

***
Auteur de ce chapitre : scifan.

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45 – Nuit agitée et sortie matinale

Anthéa n’arrive pas à dormir. La présence d’Adèle, cette guerrière impressionnante à ses yeux, la rend nerveuse. Tournant, virant dans son lit, elle se repasse les événements des derniers jours. Que de rencontres, de découvertes, de péripéties, en si peu de temps... Tant de choses tournent dans sa tête que le sommeil ne vient pas.
— Vas-tu cesser de tourner ainsi ? C’est vraiment insupportable Anthéa ! Il nous faut dormir si nous voulons tenir demain. Une longue route nous attend.
— Je suis désolée. Je n’arrive pas à dormir. C’est trop d’événements d’un coup. Je suis dépassée et ça m’angoisse. Et si je ne trouvais jamais mes parents ? Et si ces hommes étranges avec leurs chapeaux hauts de forme nous rattrapaient ? Je ne maîtrise pas les pouvoirs que j’ai... Pour le moment, ce sont eux qui me dominent.
— Ça viendra. Cesse de t’inquiéter autant et ressens les choses, tu verras, ça ira beaucoup mieux. Nous avons un groupe plus qu’étrange, mais solide et nous pouvons compter les uns sur les autres.
— Vraiment ? Alors pourquoi caches-tu tes sentiments, tes craintes ? Tu ne nous dis rien alors que tu es particulièrement stressée depuis que nous sommes à Alexandia...
— Comment ? Mais non ! Tu te fais des idées. Tout va très bien. Et maintenant, dors ou je t’attache !
Anthéa ne répond pas et tente de s’endormir. Au bout d’un long moment, Adèle semble prise par des cauchemars, se débat contre quelques fantômes... Anthéa se lève et approche ses mains de la tête d’Adèle. Ses bras se mettent à briller, ses paumes également, d’une lumière dorée et chaude. Adèle se calme et respire tranquillement. Tu as raison sur un point... Je dois suivre mes instincts...
Anthéa se recouche et s’endort épuisée.
À son réveil, Roland et Ainu sont déjà partis en quête de chevaux pour leur périple. Assise face à Adèle qui semble gênée, elle accueille Tim avec un sourire.
— Salut la compagnie ! Bien dormi ?
Toutes deux le regardent avec des yeux ronds... Deux phrases en deux jours... un miracle !
Gêné par tant d’attention, Tim s’assied et prend son déjeuner sans plus rien dire. Sue arrive toute guillerette de l’extérieur...
— Ah, mes amis, quelle nuit ! Cette ville recèle des mécréants... Hummm... Délicieux ! C’est revigorant. Bien, je crois que nous avons quelques emplettes à faire Adèle et il semblerait que tu aies fini ton troisième petit déjeuner... On y va ?
Adèle opine et toutes deux s’en vont.
Anthéa regarde Tim déjeuner tranquillement.
— Je te laisse finir de déjeuner. Je vais juste me passer un peu d’eau sur le visage pour finir de chasser cette nuit et l’on pourra y aller. Ça te va ?
— Ouaip est tout ce qu’Anthéa arrive à lui soutirer.
Revenant quelques minutes plus tard, Anthéa trouve Tim devant l’auberge. Un hennissement retentissant attire son attention. Elle va sans perdre de temps saluer Enbarr qui piaffe dans l’écurie.
— Bonjour mon bel ami. As-tu bien dormi ? dit-elle en lui flattant l’encolure.
Saisissant une brosse, elle la passe doucement sur son encolure, son dos, ses membres...
— Heu... Anthéa ? Je crois que nous devons trouver une carte...
— Oh oui, bien sûr... Enbarr ? Une petite balade ? L’étalon, ravi, opine de la tête et s’agite pour sortir. Anthéa saisit une bride, la passe doucement tandis qu’Enbarr plie ses membres avant pour lui permettre de monter.
— Bon, Tim, tu viens ?
Impressionné par l’étalon, Tim ne s’en fait pas prier pour autant. Ils partent ainsi tous trois dans les rues d’Alexandia. Anthéa entame un monologue sur la ville, les gens, le groupe étonnant qu’ils forment tous. Tim opine parfois sans prendre la parole. Lasse, Anthéa se tait. Au détour d’une ruelle, Tim montre une échoppe :
— Là, regarde !
Ils s’y arrêtent et trouvent leur bonheur. Mettant un peu de persuasion dans sa voix, Anthéa obtient même un grand parchemin contenant une carte globale de la région.
Sur le chemin du retour, Tim dit :
— J’aime quand tu parles, tu sais. Ta voix est apaisante.
Anthéa sourit.

***
Auteur de ce chapitre : Nathdse.

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