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33 – Préparation

Le rituel, de poser des rondins et des branchages en un tas qui ne s’enflammerait pas vraiment, l’avait toujours irrité. Il lui fallait physiquement aller chercher du bois et l’assembler en tas, comme tous ces fichus mortels.
— À la mort renouvelée, tous ces vieillards ! Que des idées d’arriérés, tout ça.
Pour Qraem’terh, tous ces entraînements, tous ces préceptes, tout ça était vieux comme des milliers de mondes. Passer inaperçu, se cacher des autres, errer dans les abîmes, c’étaient les périodes peu glorieuses où ses confrères se terraient tous comme des lapins apeurés dans leurs terriers malodorants. Que de vaines pertes de temps. S’ils avaient été un peu plus fiers de ce qu’ils étaient, il y a des lustres qu’Alastyn serait tombée. Mais c’était pour bientôt, ça, il se le promettait. Peu importe si la moitié de ce monde devait périr, la confrérie en ferait renaître un neuf, plus beau, plus fort, et surtout imprenable.
Et encore une brindille, et encore un bout de bois
C’était à ce moment qu’il devait agir. Il ne devait pas simplement devenir l’un des membres, mais devenir celui qui les dirigerait tous vers ce nouveau monde. Car il fallait bien l’avouer, sans leurs magies ancestrales, ces vieillards impotents ne seraient même pas capables de seulement diriger Alastyn.
Alastyn. Il en rêvait désormais, et il se pourrait bien que cette nouvelle mission soit le moyen d’asservir ces vieux fous, et ce de par leurs propres consentements. S’il avait été envoyé en éclaireur, il le comprenait maintenant, c’est que le potentiel des passeurs de portails était important. Ce qu’il avait vu était imposant, mais il était tout autant intéressé par ce qu’il n’avait pas vu, c’est-à-dire le potentiel non exploité de ces nouveaux venus. Il connaissait déjà quelques sorts qui pourraient les libérer de ce joug aveugle. Les engrenages se mettaient en place, et un petit rictus qui déformait son visage commençait de leur impulser l’énergie nécessaire à s’enclencher.
— À ton tour, gros porc. Viens donc faire un petit tour sur le bûcher de ma vanité.
À ces mots, il se saisit d’une bourse de cuir, l’ouvrit et répandit une partie de son contenu sur le tas de bois, poudre étincelante dans la nuit, et y rajouta un peu de liqueur d’âmes tourmentées. Il se souvint que c’était lors de cette fameuse prise incroyable, où les habitants de cette ville qui ne voulaient pas se rendre avaient érigé des barricades de bois tout autour d’eux. Tous avaient péri dans cet immense incendie – le plus grand qu’il n’ait jamais vu – et il avait suffi de recueillir les âmes effarées qui tentaient de s’échapper. Pas de chance, les voilà maintenant dans sa petite fiole, au creux de sa main.
Il rangea ses instruments, joignit ses mains comme pour prier un dieu protecteur, inclina sa tête vers le tas de bois, et psalmodia quelques murmures incantatoires. Le bois prit feu instantanément, brûlant de flammes bleues et vertes, sans chaleur et sans fumées. Il continua de marmonner tout en levant une main au ciel, et fit léviter l’Orc mal en point jusqu’au-dessus du bûcher.
Le corps brûlé et mutilé qui se leva dans les airs commençait à s’agiter de soubresauts, à mesure que les paroles coulaient comme un filet d’eau source de montagne. Une fumée noire enroba l’incantateur, remontant en spirale autour de ses jambes, puis le couvrit entièrement, virant et tournant autour de lui.
L’Orc aux crocs de sanglier, s’agitant au-dessus des flammes, ouvrit des yeux révulsés et émit des sons gutturaux, entre rots et éructations. Ses membres s’agitaient par spasmes inarticulés, et quand il revint à lui, constatant ce qui se passait, une onde de peur le submergea tout entier à la vision du feu, du mage, de son état, et de ce qui allait se passer.

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Auteur de ce chapitre : Perplex.

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