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35 – Cap sur Alexandia

— Allons les rejoindre ! décide Anthéa en lançant Enbarr au galop sur les flots.
— C’est un dragon ! Il pique droit sur le navire… file Enbarr, file !
Ils approchent de L’Unicorne, peuvent-ils lire sur le tableau de poupe du voilier. Sur le château arrière, Ainu semble familiariser avec le dragon qui finit par s’élever dans les airs.
Enbarr vient accoster le long de L’Unicorne, Anthéa saisit le cordage que Roland lui lance.
— Tim dès que je suis à bord nous te renvoyons le bout, tu feras comme moi pour grimper le long de la coque. Enbarr reste à côté du navire jusqu’à mon retour !
Les deux acquiescent avec une parfaite coordination des têtes.
Roland, Ainu, et Adèle hissent Anthéa, puis Timothée à bord. Le capitaine Paddock vient les rejoindre,
— Topinambour !… Naufrageur !… Canaille !… Judas !… Gredin !… En voilà un pataquès, un dragon fond sur nous et c’est vous qui l’avez attiré, s’exclame-t-il, s’adressant à Ainu.
Laquelle hausse les épaules en écartant les avant-bras, paumes en l’air – geste universel signifiant : qu’y puis-je ?
— Cachalot !… Analphabète !… Doryphore !… Zapotèque !… Vandale !… Amphitryon !… En plus, vous embarquez des passagers clandestins, ajoute-t-il regardant Anthéa et Tim, qui nous abordent avec un cheval qui marche sur les eaux ! Vous rendez-vous compte, Phylloxéra !… Olibrius !… Autocrate !… Bachi-bouzouk !… Que mon équipage est au bord de la mutinerie ?
Roland se rassied, reprend l’Oo’lu et joue la prairie au printemps bercé par le bruit d’un ruisseau qui glougloute, auquel se mêle le gazouillis liquide des chardonnerets “sticlit didelitt”. La tension tombe, les membres d’équipage reprennent leurs taches, regardant avec curiosité, mais sans appréhension leurs curieux passagers.
Pendant que Roland joue, Ainu explique au capitaine qu’ils ont de puissants ennemis, mais aussi de puissants alliés comme le dragon Sindaril, la licorne Tinuviel, et Enbarr le cheval capable de parcourir les mers.
Le calme revenu, Roland, après avoir consulté les membres du Ka-tet, invite le capitaine à participer à leur palabre. Anthéa révèle que leur destination – sans plus la préciser – se situe à l’ouest de Shay.
— Nous sommes à une trentaine de lieues de la frontière shannono-shanylaise, passer par le sud semble être la meilleure solution, propose-t-elle.
— Par le sud, c’est impossible avec mon vaisseau, il ne passera pas les rugissants, donc je vous conseille le nord et ma cargaison est destinée à Raminia qui se situe au nord-est de Shanya, répond Paddock.
— Et par les terres en passant par l’étranglement à la frontière shannono-shanylaise ? ajoute Anthéa.
— En mer, nous serons plus à l’abri de nos poursuivants ! fait remarquer Adèle.
— Que faire d’Enbarr ? demande Roland. Parce que le hisser à bord ? Il doit bien peser mille à douze cents livres, avec la courbe de la coque ?
— Bandit !… Zouave !… Troglodyte !… Zoulou !… De toutes les façons, il nous faudra rapidement faire escale pour acquérir du fourrage pour la licorne et pour lui, donc il pourra monter à bord quand nous serons à quai, intervient le capitaine.
— Nous ne sommes pas du tout en sécurité en mer, les coupe Sue, de nombreux oiseaux morts me disent qu’ils ont été tués par une énorme machine volante – nommée dirigeable – venant d’une autre époque, qui nous suit
— Hindenburg… Lakehurst USA… Boum ! Commente Tim. Je pe… peux ca… cacher la co… côte est sous d… des nuages bas !
— Pour combien de temps ? demande Adèle.
— Journée ! répond-il.
— Parfait, tu peux t’y mettre maintenant !… Capitaine, pouvez-vous, dans la journée, nous débarquer dans le prochain port sur votre route ? demande Roland.
— Mille millions de mille sabords ! Je peux faire mieux, je peux faire un détour au sud pour vous débarquer à Alexandia, c’est à quatre-vingts milles d’ici la ville la plus au nord de Shanyl elle est située, dans le rétrécissement juste à la frontière avec Shannon, c’est la ville la plus cosmopolite de Shay, vous passerez inaperçus ! Le temps que votre compagnon ait fini de tisser sa couverture opaque, je vous propose de naviguer cap au nord pendant une heure, puis de mettre cap au sud à cinq nœuds avec le subterfuge, nous en avons pour dix-huit heures, vous arriverez à l’aube.
Les membres du Ka-tet se consultent en échangeant des regards, tous approuvent.
— OK !
— Marins d’eau douce !… Le port d’Alexandia est très animé, même à l’aube, pour passer inaperçu, arriver avec un cheval qui marche sur les eaux n’est pas l’idéal.
— Anthéa je connais bien les environs d’Alexandia, à environ cinq lieues au nord se trouve une petite crique déserte je pourrai y mener Enbarr, nous nous retrouverions devant la célèbre bibliothèque d’Alexandia, proposa Adèle.
— Pourquoi toi, et pas moi ? répondit Anthéa.
— Parce que tu ne connais pas les lieux, et qu’il est préférable que tu sois entourée !
Ce qu’Anthéa admit avant de faire remarquer que l’on ne pouvait laisser Enbarr au petit trot pendant dix-huit heures.
Le capitaine, brave homme, fournit planches, cordages et savoir-faire, afin de réaliser un radeau solide et stable, qui fut mis à l’eau, attaché à la poupe telle une annexe, sur lequel Enbarr prit pied, et se coucha, après avoir henni de plaisir.
Roland prit le capitaine en aparté :
— Dites-moi capitaine, avez-vous dans vos ancêtres un magicien ou un sorcier ?
— Pyromane !… Pirate !… Bandit !… Non ! Nous sommes marins depuis toujours. Pourquoi me demandez-vous cela ?
— Laissez-moi réfléchir un instant ? Gemme, demande au Grimoire, qui était celui qui l’a écrit ?
Je te passe les insultes, il dit qu’il n’a pas été écrit, qu’il y a plusieurs siècles il était un marin, un jour dans une île d’orient, une très belle femme qu’il quittait, par dépit l’a transformé en “Grimoire”.
— Capitaine, pouvons-nous aller dans votre cabine ?
Paddock ayant approuvé, ils s’y rendirent. Pendant que le capitaine fermait la porte, Roland sortit Gemme de sa poche, laquelle reprit instantanément sa taille.
— Vous allez avoir du mal à me croire capitaine, mais j’ai en ma possession un grimoire enchanté. Asseyez-vous capitaine ! Ne m’interrompez pas s’il vous plaît, je ne suis pas fou, il est dans ce coffret, il se fait appeler “Le Grimoire”, il communique par la pensée, et je crois, je suis même sûr que c’est votre ancêtre.
— Saperl…
— Non, non ! l’interrompt Roland
Il ouvre Gemme après avoir manipulé les pièces mobiles.
Coloquinte !… Logarithme !… Moule à gaufres !… Ectoplasme !… Bachi-bouzouk !… Gredin !… Canaque !… Plusieurs jours sans sortir du ventre du dragon, ce n’est pas trop tôt ! hurle Le Grimoire, dans l’esprit des deux hommes.
— Tonnerre de Brestia, comment faites-vous çà ? Et pourquoi vous moquez-vous de moi ?
Jocrisse !… Logarithme !… Cornichon !… Moule à gaufres !… Ce n’est pas lui, c’est moi !
— LE GRIMOIRE, silence ! Capitaine, il est de votre famille, je vous le donne si vous l’acceptez.
— Oui bien sûr !
J’ai un nouveau propriétaire ! J’ai un nouveau propriétaire ! J’ai un nouveau propriétaire ! J’ai un nouveau propriétaire ! exulte Le Grimoire.
— Bien, je vous laisse ! dit Roland,
Il prend Gemme sous son bras, sort et referme la porte. Dans la coursive Gemme rétrécit, Roland la remet dans sa poche.
Le soir venu, les passagers s’endorment sur le pont, malgré le son de ce qui paraît être un monologue venant de la cabine du capitaine. Il fait encore nuit, lorsqu’ils aperçoivent le phare d’Alexandia, ils se lèvent, Adèle salue ses compagnons, enjambe le bastingage, se laisse glisser le long du cordage, apponte sur le radeau, enfourche Enbarr, qui se cabre en hennissant en signe d’adieu, et s’élance vers le rivage.
Roland propose deux autres pierres au capitaine qui refuse.
— Naufrageur ! il s’interrompt, éclate de rire. C’est peut-être un peu agaçant ! Celle que vous m’avez donnée paie largement les réparations à faire et le dérangement, et maintenant c’est moi qui vous suis redevable.
Roland lui assure que non, puis se dirige vers l’elfe.
— hE5`M Á 82{%7Ej% q~Nj 3`B`N 2#5# x$6Y 4$j$= 8hM 5~B5 tj$2iT 75#Ô`C= `C 3j^`B 5`C t{#5$ À(1)

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Note :
(1) Sindarin, langue Elfique inventée par J. R. R. Tolkien. ➢ Police Tengwar Annatar par Johan Winge, © 2004.

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Auteur de ce chapitre : scifan.

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