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41 – La chevauchée d’Adèle

Après avoir salué ses compagnons Adèle lance Enbarr au galop sur les eaux, c’est grisant il y a longtemps qu’elle n’a pas chevauché une telle monture. Non, c’est la meilleure monture que j’ai montée, se reprend-elle en flattant l’encolure d’Enbarr. Galoper en mer : les éclaboussures à chaque coup de sabot sur les flots, Enbarr qui franchit les rouleaux comme s’il s’agissait de haies, les embruns qui lui fouettent le visage, Adèle est détendue comme elle ne l’a jamais été, elle fait corps avec Enbarr, elle ressent les muscles du cheval comme s’ils étaient les siens, elle n’est plus la cavalière, elle est une centauresse, ils franchissent ainsi les sept miles qui les séparent de la crique en une demi-heure de communion dans le plaisir de l’effort. Enbarr se met au trot et se dirige vers la plage qu’Adèle a tant aimée avant, c’était avant, j’étais si jeune alors. Enbarr s’ébroue.
— Tu as raison, foin de nostalgie.
Enbarr passe au pas en mettant les sabots sur le sable. Adèle l’arrête, descend, prend l’étalon par la bride, le mène jusqu’au bas de la chute d’eau douce au pied de la falaise. Elle retire sa chemise, la trempe dans l’eau, nettoie Enbarr consciencieusement, le débarrassant de toutes traces le sel, puis le bouchonne avec sa tunique. Adèle enlève ce qui lui reste de vêtements, les lave, les met à sécher sur une grande pierre, de granite, plate appelée “la table” par les habitués de la crique, puis elle profite de la cascade pour enfin s’occuper d’elle-même. En cette saison à cette latitude le soleil chauffe dès son lever, elle peut donc rapidement, après avoir peigné ses cheveux et s’être elle-même séchée, enfiler ses vêtements.
Délaissant la bride, Adèle demande à Enbarr de la suivre, ils parcourent rapidement les cent cinquante toises, en lacet, de la sente large de deux toises, qui monte en pente douce le long de la falaise haute de cinq.
Arrivée sur le plateau, Adèle enfourche Enbarr, la sente continue sur deux lieues, plein ouest, traversant la forêt des pics, descendant jusqu’au village de Grandchamps, dans la plaine. Ensuite, six lieues, plein sud par la route et j’entrerai dans cette maudite ville d’Alexandia, songe Adèle, elle met Enbarr au pas rien ne la presse. Mais pourquoi n’ai-je rien dit ? J’aurais pu proposer un autre itinéraire ! Et si je n’y allais pas ? Enbarr hennit. Bien sûr, je vais y aller, ho ! Ce n’est pas à cause de toi, je suis certaine que tu les rejoindrais seul, mais il faut que j’y aille pour Anthéa et pour moi !
La traversée de la forêt est bercée par le tac tac tac de ses hôtes qui font bombance. Grandchamps est désert, ses habitants sont déjà dans les nombreux champs des environs, la route elle par contre est fréquentée par de nombreux chariots en route pour la frontière de Shanyl et Alexandia. Dépassé par les chariots, Enbarr débonnaire reste au bord de la route, arrache ostensiblement des touffes d’herbe sur le talus à intervalle régulier, oui, je sais, j’y vais à reculons, mais bon il n’y a pas le feu non plus ! Le cheval émet un bruit incongru ressemblant à un ricanement.
Près de deux heures plus tard, ils doublent la file des chariots soumis à un double octroi, un de chaque côté du pont sur le Lagos – petit – cours d’eau matérialisant ici la frontière entre les deux contrées.
— Tu vois, cette fois c’est nous qui les dépassons ! moque-t-elle Enbarr.
Lequel en réponse prend le trot jusqu’au pont où il reprend le pas. En Shanyl comme en Shannon l’octroi n’est dû que sur les marchandises, Adèle sur Enbarr – au pas – traverse sans s’arrêter le pont et entre dans Alexandia.
Après un détour pour éviter la haute ville, Adèle arrive devant la bibliothèque, sur le dos d’Enbarr elle scrute la place ne voit pas ses amis ? Compagnons de route en tout cas ! Elle n’a pas le temps de s’inquiéter qu’un jeune garçon maigre se précipite vers elle et l’interpelle.
— Dame, votre cheval se nomme-t-il Enbarr ?
— Pourquoi me poses-tu cette question ?
— Un homme, Roland ! Il m’a dit de citer son nom. Accompagné d’un autre homme, d’une petite fille et d’une Elfe, il m’a demandé d’aller guetter une femme sur un grand cheval blanc nommé Enbarr, pour la mener auprès d’eux dans l’auberge du port où ils ont pris des chambres, et de prendre soin du cheval.
Adèle qui apprécie que Roland n’ait pas donné son nom au palefrenier, acquiesce et laisse le gamin qui a pris la bride les conduire à l’auberge. Arrivée là, elle saute à terre, jette un œil dans l’écurie où elle aperçoit Tinuviel laisse Enbarr au palefrenier qui l’y fait entrer. Adèle entre dans l’auberge repère immédiatement les membres du Ka-tet, elle approche d’eux pour entendre Sue demander son âge à Roland, qui saisissant l’occasion pour ne pas répondre, se lève, offre une chaise à Adèle et lui demande comment s’est passé son voyage.

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Auteur de ce chapitre : scifan.

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